Interview Shuji Sogabe mangaka de Persona 3
23 juil. 2019A l’occasion du 20e impact de Japan Expo, j’ai eu la chance d’interviewer Shuji Sogabe, auteur du manga Persona 3 aux éditions Mana Books. Cette interview vous est présentée en partenariat avec Just Focus Asie.
Bonjour, Je vous remercie de prendre le temps de répondre à mes questions.
Katatsumuri No Yume : Comment est né le projet du manga Persona 3 ?
Shunji Sogabe : Tout a commencé au comic market de Tokyo où, avec mon club de dessin, on tenait un stand de dojinshi (nb: les magazines amateurs) et j’exposais beaucoup de mes dessins sur Persona, qui est une série que j'affectionne tout particulièrement. Là, le rédacteur en chef du magazine Dengeki Maoh, qui est venu me voir et qui, comme ça, de but en blanc, m’a proposé de dessiner l’adaptation en manga du jeu vidéo [Persona], ce que j’ai accepté avec plaisir.
KNY : Comment parvient-on à adapter un jeu vidéo en manga ?
S Sogabe : Il faut savoir que, depuis longtemps, je suis un amateur d'adaptations en mangas de jeux vidéo, et dans les titres que je préférais, c’était des titres très fidèles graphiquement à l’oeuvre originale. Je me suis demandé si j’étais le lecteur, j’aimerai que les graphismes ressemblent le plus possible à l’original, donc je me suis appliqué énormément à respecter le graphisme du jeu vidéo.
KNY : Comment avez-vous abordé la création du manga sachant que le jeu vidéo était très apprécié, il a été élu “meilleur RPG de l’année” par le Famitsu. Est-ce que ça vous a ajouté de la pression ?
S Sogabe : Au moment où monsieur le rédacteur en chef m’a proposé l’adaptation, Persona 3 était un jeu certes réputé, mais c’était un jeu de niche réservé aux fans et je ne pense pas que du côté de la maison d’édition il y ait eu une véritable attente commerciale sur ce titre.
Je suis un amateur de la licence depuis le premier épisode et le Persona 2 est celui qui, au niveau graphisme et au niveau design, est mon préféré et ma référence aujourd’hui.
J’ai abordé la réalisation de ce troisième opus plus encore que d’un point de vue du professionnel qui veut faire un bon titre pour sa carrière, je l’ai abordé en me positionnant en tant que fan de la série et en faisant mon maximum pour satisfaire les autres fans.
C’est la raison pour laquelle, même si cela se fait peu, je me suis occupé moi-même des couvertures des ouvrages jusqu’au tome 5. Normalement, c’est un graphiste de la maison d’édition qui s’en occupe, mais là, je voulais tellement que ce soit bien fait [à mon idée] que je m’en suis occupé moi-même jusqu’au tome 5. Après j’ai été trop occupé.
KNY : Est-ce difficile d’adapter un jeu comme Persona 3 lorsque l’on l’apprécie? En effet, l’on a toujours des passages préférés, mais il faut également savoir couper.
S Sogabe : Avant même de me lancer dans l’écriture du manga, on avait déjà décidé de ce que l’on allait prendre ou laisser. Pour se faire, sur des cartes de la taille d’une carte de visite, on a inscrit tous les événements qui se sont passés dans le jeu vidéo. On les a étalé sur une table et on les a mélangé pour donner un nouvel ordre chronologique au manga. Comme on avait devant les yeux sur la table tous les événements, il était beaucoup plus facile d'effectuer des choix. Pour la partie “Social Link” qui représente les rapports entre les personnages et qui aurait été très difficile à intégrer dans le manga, comme il nous aurait fallu des tomes et des tomes supplémentaires pour les exposer, on a décidé de ne pas les intégrer et de se concentrer sur la personnalité et le caractère des personnages, ce qui, pour certains d’entre eux, n’existe pas dans le jeu vidéo.
KNY : Comme vous avez débuté votre carrière dans la réalisation de mecha, est-ce que, pour ce premier projet de manga, vous avez dû adapter votre méthode de travail ?
S Sogabe : En fait, je n’avais pas une si longue carrière que ça puisque, quand j’ai commencé à écrire le manga, c’était vers 2006, je ne travaillais en tant qu’illustrateur et designer que depuis deux ans seulement. Au début, quand je me suis lancé dans ce manga, c’était effectivement mon premier manga professionnel, et ça m’a demandé des efforts pour m’habituer à la manière de travailler, et mes assistants de l’époque m’ont beaucoup aidé à ne pas m’enliser.
Un de mes amis, qui était dans la même école d’animation que moi, quand il a su que j’allais commencer à travailler sur un manga, m’a dit que, connaissant mon caractère et ma manière de travailler, il se faisait beaucoup de soucis pour moi. Donc, j’ai abordé le travail sur le manga comme si j’abordais une partie de RPG.
KNY : Avez-vous un personnage préféré dans Persona 3 ou dans Persona en général ?
S Sogabe : C’est très difficile pour moi, donc si vous le permettez, je vais mettre une condition pour limiter mon choix. La condition est quel est le personnage féminin que je préfère. Dans le 3, c’est Yukari, dans le 4, Chie et dans le 5, Ann. Il est vrai que quand on travaille sur un manga comme celui-ci, on s’approprie les personnages, ils font partie de nous et il devient très difficile d’en choisir un parmi d’autres.
KNY : Outre votre travail sur Persona, avez-vous des projets créatifs personnels ?
S Sogabe : Pour rester un instant sur Persona, il y a quelques jours, l’éditeur du jeu Altus a annoncé que ce serait moi qui réaliserai les illustrations pour l’escape game qui va ouvrir au Japon autour de la licence. Comme les adaptations en mangas de Persona 3 et du 4 se sont très bien passées avec Altus, on est tout à fait d’accord pour continuer les adaptations dans les années à venir.
J’ai également un projet de manga qui ne soit pas une adaptation, mais une oeuvre totalement originale. Cela va peut-être vous paraître étrange, mais il s’agirait de jeunes femmes portant des oreilles de chat et qui combattent des terroristes à bord de mechas. Et dans ce monde que j’ai créé, les chats seraient devenus plus intelligents que les humains.
KNY : Est-ce une réunion de vos passions ?
S Sogabe : Si vous me dite passion, je vais avoir du mal à vous répondre.
KNY : centres d'intérêt ?
S Sogabe : Ce sont bien des jeunes filles qui sont dessinées, mais le character design a été confié à une jeune femme qui travaille avec moi, Nono Kanako, C’est elle qui s’occupe de tout le design des personnages.
KNY : Quelle a été votre réaction quand vous avez appris que vos mangas Persona 3 allaient être traduit en français ?
S Sogabe : Je n’étais jamais venu en France auparavant mais je me suis toujours senti proche de la France et des français en général, donc, quand on m’a fait cette annonce, cela a été une grande fierté. Et j’étais aussi très heureux, comme le jeu était déjà sorti en France, que les fans français puissent avoir accès aux mangas dans leur langue.
KNY : Quel regard portiez vous sur la France avant de venir, puis maintenant que vous êtes sur place ?
S Sogabe : Il faut savoir que je suis assez craintif en général, avant de venir j’avais quelques appréhensions, mais maintenant que je suis venu, je sais que dans quelques jours, quand je vais rentrer au Japon, je vais chercher un moyen pour revenir un peu plus longtemps tellement je suis tombé amoureux de cette ville. Quand j’ai dis ça à mon rédacteur en chef, il m’a répondu “mais ça va pas, à quoi tu penses?!”
KNY : C’est un choc culturel ?
S Sogabe : Oui vous avez raison, c’est un choc culturel mais dans le bon sens du terme. J’ai toujours été un grand amateur de design, d’art graphique et de tout cet univers là et donc, de venir en France, de pouvoir marcher dans les rues et admirer les immeubles anciens ou récents, ça a stimulé tous mes sens et ça m’a donné beaucoup de motivation pour le travail, c’est une très bonne chose.
KNY : Avez vous mangé ou vu un musée qui vous a particulièrement marqué à Paris ?
S Sogabe : Pour tout vous dire, depuis que je suis ici, je n’arrête pas de répéter à chaque fois que je mange “C’est bon, c’est bon”. J’ai été surpris par le poisson français, je ne m’attendais pas à ce que ce soit aussi bon. J’adore le poisson, donc je suis ravi. Je viens de la région d'Hokkaido, la plus au nord du Japon qui est réputée pour ses produits de la mer et on est presque au même niveau de saveurs.
KNY : Je vous remercie, si vous avez quelque mots à ajouter.
S Sogabe : Comme dernier mot, ne pas oublier de dire à Mana Books de publier également Persona 4 qui est déjà terminé et publié au Japon.
Merci beaucoup pour vos réponses et merci à Djamel pour son impeccable traduction.