Beastars Tome 1 et 2 « Une critique originale de la société nippone !!! »

17 févr. 2019

Si vous en avez assez des récits traditionnels opposant toujours les mêmes figures de proue, jetez un œil à Beastars, un manga qui hurle sa fraîcheur aux éditions Ki-oon. Dans Beastars, les carnivores et herbivores cohabitent paisiblement, mais cet équilibre est précaire car la véritable nature des carnivores revient au galop sous une forme étonnante, soulignant au passage une critique délicieusement menée par l’auteur.

Réalisé par Paru ITAGAKI, Beastars se déroule dans un monde animal où la loi oblige les carnivores à être végétariens afin de vivre en paix avec les herbivores. Mais un soir, dans la pension Cherryton, Tem, un alpaga acteur du club de théâtre, se fait assassiner et dévorer par un loup dans de sombres conditions. Cet événement bouleverse la bonne entente des espèces en faisant planer la méfiance des herbivores à l’encontre des carnivores, alors que ces derniers essaient tant bien que mal de se dédouaner de ce drame. Une atmosphère pesante s’installe à la pension, tandis qu’au club de théâtre, le grand jour de la représentation annuelle de bienvenue approche à grands pas…

Dans ces deux tomes, l’auteur met l’accent sur deux personnages charismatiques : Louis, le cerf rouge, est la star de l’école. Il porte à lui seul tout le club de théâtre. Sûr de ses capacités, le regard perçant, admiré de tous, il est fait pour être le prochain : Beastars. Mais dans l’ombre de cette gloire, sa nature d’herbivore lui cause quelques doutes par rapport à Legoshi.

Legoshi est un loup qui ressemble étrangement à l’agresseur, il est membre du club de théâtre en tant que technicien et compte bien le rester. Cependant, un événement le confronte à sa véritable nature, il doit alors réussir à retenir ses ardeurs bestiales envers des êtres beaucoup plus petits que lui… Ce personnage est une figure de l’anti-héros qui préfère être en retrait plutôt que de porter sur ses épaules tout le récit. Alors qu’il semble ne pas vouloir montrer ses capacités en tant que meneur, il va devoir surmonter ses craintes et prendre le devant de la scène pour mettre en pratique ses convictions intimes…

D’un point de vue technique, le style graphique est dans la moyenne. Les planches se dégustent avec légèreté. La composition plutôt aérée permet d’accompagner avec tenue la gamme mélodique du récit plein d’humour. Quant aux dialogues, ils permettent une lecture aisée sans jamais perdre le lecteur dans des descriptions inutiles.

Ce manga est unique en son genre, car derrière son récit loufoque plein d’entrain se dessine le combat perpétuel de la nature entre les herbivores et les carnivores que tout oppose. Des questions surgissent alors tout au long de la lecture : les carnivores peuvent-ils indéfiniment refouler leurs instincts ? Les herbivores vont-ils réussir à contenir leurs amis qui désirent tellement les manger? Ces animaux ne sont-ils pas le reflet de nos sociétés, ou, plus précisément, de la société japonaise ?

En effet, derrière son packaging jovial, Beastars est en quelque sorte une critique de la rigueur d’une société japonaise encline à retenir ses pulsions personnelles au nom de la réussite de la nation. Pour se faire, l’auteur utilise des figures zoo-anthropomorphiques pour traiter des sujets sensibles de cette société japonaise avec une pertinence pleine d’humour. Ces traits de caractère nous rappellent dès lors les Fables de la Fontaine qui nous ravissent à la première lecture, tout en posant des questions de fond engagées. Un procédé raffiné qui fait mouche auprès des lecteurs, car le manga est déjà un véritable phénomène au Japon ! Il fallait oser le faire et cette autrice le réalise avec bravoure sans aucune bavure. Bravo ITAGAKI San !!!

Les tomes 1 et 2 de Beastars sont à découvrir de toute urgence si vous aimez sortir des sentiers battus. Car cette série renferme dans son récit ce petit quelque chose qui fait que l’on y pense toujours après la lecture… Un manga de velours au pouvoir bestial.