Francesca, romantisme et décadence dans la Lisbonne du XIXe siècle

Francesca, le film fleuve de Manoel de Oliveira réalisé en 1981, bénéficie d’une ressortie en salle dès le 12 juillet, après une restauration des plus réussies.

José Augusto et Camilo Castelo Branco sont deux jeunes dandys errant dans les hautes sphères de la bonne société portugaise du milieu du XIXe siècle. De bals en soirées à l'opéra, leur ennui ne fait que grandir.
José Agusto, jeune noble désabusé de 23 ans, se désintéresse de ces mondanités quand son ami poète et écrivain Camilo Castelo Branco y puise de quoi alimenter son cynisme. C’est alors qu’ils font la rencontre de la jeune Francesca Owen et de sa sœur Maria. Feignant l'indifférence, les deux jeunes hommes commencent à développer une fascination pour la plus jeune des deux sœurs.

Amis et rivaux

Le noble José Augusto et le talentueux Camilo Castelo Branco se connaissent depuis plusieurs années et José Augusto a déjà tiré de la gêne financière son ami. Ensemble, ils se complaisent à médire et pérorer sur la bonne société et les contradictions de chacun (mais pas des leurs). Indifférents à ce qui les entoure, ils sont pourtant touchés par la grâce et l'esprit de Francesca Owen, jeune fille suintant le romantisme mélancolique malgré son jeune âge.
A partir de là, tout en restant amis, les deux hommes se livrent une bataille pour conquérir le cœur de la jeune fille. Celle-ci, appréciant leur compagnie, trouve cependant plus d'inclinaison pour José Augusto et sa belle allure.

L'honneur de la dame

Faisant fi des commérages et des bonnes mœurs, José Augusto et Francesca s'enfuient nuitamment. L'honneur de la jeune femme et de sa famille est vite compromis dans cette affaire et tous poussent José à l'épouser rapidement. Cependant, celui-ci repousse, tergiverse, s'absente de longs moments, pour retrouver sa maîtresse en ville, laissant sa jeune amie dans l'ennui d'une morne maison où règne le souvenir de la mère défunte du promis. La jeune Francesca souffre de plus en plus de cette situation que le mariage tardif et sans la bénédiction de son père n'améliore guère. Camilo est courroucé, mais que peut-il faire sinon intriguer ?
Francesca est de plus en plus lasse et son jeune époux, guère affectueux, s'emporte régulièrement.

Mourir d'aimer

Sous les yeux de sa belle sœur, de la domesticité et de Camilo, Francesca s'étiole et pâlit. Devenue un fantôme parmi les vivants, elle erre avec dignité.
La folie guette la maison et, les mois passant, chacun se demande comment améliorer la situation.
Jusqu'à la fin, et même après, José Augusto se montre odieux avec son épouse. Rongé par les remords, il n'en demeure pas moins inflexible et suspicieux, jusqu’à devenir plus exécrable encore qu'à son habitude.
 
Filmé de manière originale, ce film de près de 3h est composé d'une succession de plans-séquences, mais aussi de répétitions sous différents angles, avec des éclipses parfois longues et des inter-scènes rappelant les débuts du cinéma. Parfois, les acteurs semblent se tourner vers les spectateurs, établissant une complicité fictive comme au théâtre. D'ailleurs, le théâtre est palpable partout dans la mise en scène.
 

Adapté du roman Fanny Owen d'Augustina Bessa Luis inspiré d'une histoire vraie, on retrouve un petit peu du romantisme des Souffrances du jeune Werther et de la mélancolie réaliste de Mme Bovary. Malgré sa lenteur, l'originalité du jeu d'acteur et de la mise en scène, le film intrigue et finalement emporte le spectateur sur une barque. La destination semble connue mais l'intrigue prend.

 Francisca
Manoel de Oliveira
Portugal / 1981 / 166 min
D'après le roman Fanny Owen d'Agustina Bessa-Luís.

Avec Teresa Meneses, Diogo Dória, Mário Barroso.