Germaine Richier (1902-1959) est l'une des rares femmes sculptrices ayant connu la reconnaissance précoce de ses pairs et du public. Aujourd’hui, c’est au Musée Fabre de Montpellier, ville avec laquelle la sculptrice a un fort lien, qui accueille une exposition rétrospective à son sujet (la même qu’à Pompidou, mais en mieux).

Cette rétrospective, qui regroupe près de 200 œuvres, montre l'évolution artistique de Germaine Richier, artiste féminine phare du milieu du XXe siècle disparue trop tôt.

Germaine Richier avec La Fourmi au Salon de Mai, 1955. Germaine Richier (b/w photo), Richier, Germaine (1904-59) / © Michel Sima / Bridgeman Images ©Adagp, Paris 2023.

Une formation classique dont elle se détache rapidement

Germaine Richier suit une formation classique de 1921 à 1926 à l’école des Beaux-Arts de Montpellier auprès de Louis-Jacques Guigues, alors directeur de l’école, puis, dès son arrivée à Paris en 1926, la jeune artiste assiste aux enseignements d’Antoine Bourdelle.

Germaine richier, Le Loretto, 1934, Bronze patiné foncé, H 158cm/l 51 cm/p 38 cm, Musée Fabre

Si la figure humaine, et principalement féminine, tient une part importante dans son œuvre, elle se distingue des autres sculpteurs de sa génération en incorporant des références à sa Provence natale. Parallèlement, elle développe rapidement une approche novatrice du traitement du bronze, du travail de sa surface, de ses imperfections, comme le montre son œuvre Le Loretto.

Germaine Richier, Torse II [torse de femme, Muhlethaler], 1941, Bronze patiné foncé, Collection Sylvie Martin Raget (famille de l'artiste)

La dilution de la forme humaine

Si dans son œuvre la figure humaine forme un fondement inébranlable, comme le montrent ses “gammes” et son recours tout au long de sa carrière aux modèles vivants, Germaine Richier ne travaille  plus seulement la surface du bronze. Elle commence à dissoudre les formes, perfectionne l'équilibre de ses figures, donne de l’importance au socle qui fait maintenant partie intégrante de son œuvre.

Pendant les années de guerre qu’elle passe à Zurich avec son premier époux Otto Bänninger, également ancien élève de Bourdelle, les corps de ses statues sont de plus en plus défigurés et mutilés, signes de l’horreur qui frappe alors l’Europe et une bonne partie du monde, mais également de l’évolution de l’artiste vis-à-vis de sa conception du corps.

Germaine Richier, La Taureaumachie, 1953, Bronze naturel nettoyé, Collection particulière

Parfois, elle utilise la métonymie comme pour La tauromachie où le matador, dont la tête est remplacée par un trident de gardien de Camargue, est suivi de près par un bucrane de taureau symbolisant le funeste sort de l’animal.

Germaine Richier, La Mante, grande, 1946, Bronze patiné foncé sur socle de pierre, collection particulière

Hybridations

Après la dilution de la forme humaine vient son hybridation. Humain et animal se confondent de plus en plus dans les attitudes et dans les membres dont la Sauterelle ou la mante religieuse sont de parfaits exemples.

Germaine Richier, L'Eau, 1953-1954, Bronze patiné foncé, Centre Pompidou, Musée National d'art moderne, Paris, achat de l'Etat 1956, INV. AM 1022 BIS S

De la même manière, les matériaux de récupération (brique, bois flotté, amphore cassée, coquillage, etc.) intègrent son art. Cependant, pour ses œuvres finales unifiées par le tirage en bronze, on ne peut pas parler d'assemblage, comme le montre si bien L'Eau.

Ces deux formes d'hybridation montrent l’intérêt de Germaine Richier pour les formes de la nature et le passage des éléments.

Germaine Richier, La Fourmie, 1953, Bronze patiné foncé, Collection particulière

Expérimentations

Peu à peu, c'est l'occupation de l'espace dans et autour de la sculpture qui se développe avant de proposer des œuvres composites où matières et couleurs se répondent.

Avec les fils placés sur la sculpture, celle-ci commence à modéliser son espace. Les creux deviennent aussi importants que les pleins. Là encore, la notion d’équilibre est à l'œuvre comme pour La Fourmis.

Germaine Richier, Le Grand Echiquier, plâtre original, 1959, Tate Modern, Londres

Dans ses dernières années d’activité, Germaine Richier innove toujours jusque dans les supports et les matériaux. Des os de seiche incisés servent de matrice pour couler du plomb, ce même plomb, ainsi que ses plâtres du Grand Échiquier reçoivent de la peinture ou des incrustations d’émaux et de verre. L’artiste apprécie de voir la couleur animer ses œuvres, les rendre plus gaies.

La scénographie est aérée et permet de rendre aux œuvres (ou du moins à une grande partie) leur ampleur dans l'espace et de comprendre l'évolution de sa pratique artistique.

Un parcours pédagogique ludique permet également aux différents publics d'apprécier le travail de l’artiste et ses techniques en vidéo, mais aussi avec des dispositifs de médiation, en particulier pour les plus jeunes enfants.

Germaine Richier, La Croix avec verres de couleurs, 1953, plomb avec verres colorés jaunes et bleu, Collection famille Germaine Richier

Au cours de sa carrière, Germaine Richier a exploré et testé pour faire évoluer et grandir son art. Si la figure humaine reste prépondérante tout au long de sa vie avec des poses de modèles vivants, l'artiste est également pétrie de la culture et des influences du Sud de la France dont on retrouve des motifs dans ses œuvres.

Elle confère également une grande importance et une grande force à la figure féminine qui peuple ses œuvres comme le montre les versions de l’Escrimeuse ou de l’Ouragane.

Germaine Richier : une rétrospective au musée Fabre de Montpellier jusqu'au 5 novembre.Germaine Richier : une rétrospective au musée Fabre de Montpellier jusqu'au 5 novembre.Germaine Richier : une rétrospective au musée Fabre de Montpellier jusqu'au 5 novembre.
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