C’est aujourd'hui que sort le tant attendu nouveau film de Mamoru Hosoda : Belle, une réinterprétation moderne et étincelante du célèbre conte pour enfants.

Suzu est une adolescente traumatisée par le décès de sa mère quelques années auparavant. Timide et solitaire, elle ne parvient plus à communiquer avec son père ou ses amis d’enfance. Elle qui adorait la musique est également devenue incapable de chanter ou de composer. La voyant sombrer peu à peu dans l’isolement et la morosité, sa meilleure (et seule) amie lui propose de s’inscrire sur « U » un metaverse comprenant plusieurs milliards d’utilisateurs inscrits et censé révéler le potentiel des utilisateurs. Là, sous les traits de Bell (jeu de mot avec son prénom Suzu qui signifie clochette) elle devient une idole dont les chansons touchent au plus profond du cœur de chacun. Mais bientôt, elle fait une rencontre qui va changer sa perception des choses.

BELLE-Suzu-©2021 STUDIO CHIZU

Moderniser un conte universel…

La Belle et la Bête est l’un des contes occidentaux les plus populaires. Il met en avant la piété filiale et l'amour au-delà des apparences avec une morale très policée. Mais ici Hosoda transporte son action dans le monde moderne avec des problématiques d'actualité. Il est toujours question de la rencontre de deux êtres que tout semble opposer et qui pourtant s'attirent irrémédiablement. Elle qui subjugue par sa beauté et sa voix et lui qui repousse, paré de ses oripeaux et de sa bestialité.

Pour Hosoda, partir d'un matériel connu puis donner sa propre vision permet à chacun de se retrouver dans l'histoire de Belle. Lui qui excelle à explorer les troubles de l'enfance et de l'adolescence apporte à Belle une nouvelle profondeur sous sa magnifique enveloppe. Il souhaite ainsi montrer une jeune fille d'aujourd'hui débarrassée des clichés et des préjugés sociétaux et qui se révèle telle qu'elle est.

BELLE-La Parade-©2021 STUDIO CHIZU

… Pour aborder des sujets d’actualité

Belle va au-delà du conte en nous dépeignant à la fois un monde lumineux de beauté numérique qui n'est pas sans rappeler certaines phases de Summer War ou encore la parade dans Paprika du regretté Kon Satoshi. Mais ce monde possède aussi sa part d'ombre avec ses préjugés et ses justiciers autoproclamés, sa haine gratuite, la recherche de célébrité et de buzz etc., reproduisant dans le monde virtuel les mêmes travers que dans la vie sociale réelle dans ce qu'elle a de plus dur. Hosoda indiquait dans une interview que le monde virtuel n'est pas foncièrement mauvais contrairement à ce qui est souvent dit, mais que ce monde est ce que l'on en fait et qu'il faut guider les jeunes générations pour qu'elles puissent en tirer le meilleur. Ici « U » permet à Suzu, derrière son flamboyant avatar, non seulement de retrouver sa voix perdue mais également de sortir tout ce qu'elle a sur le cœur et qu'elle ne sait comment exprimer pour enfin avancer.

BELLE-Les camarades-©2021 STUDIO CHIZU

Bien entendu, la réalité n'est pas laissée de côté puisque Suzu doit également gérer ses relations avec ses camarades de classe et tenter de communiquer avec son père avec qui le lien s'est distendu depuis le décès de sa mère.

BELLE-Dragon-©2021 STUDIO CHIZU

Hosoda aborde souvent avec brio les relations familiales, mais pour la première fois il le fait dans le conflit et la douleur. C'est d'autant plus vrai pour Dragon qui incarne la force et la colère brute pour cacher un cœur brisé.

BELLE-©2021 STUDIO CHIZU

D'un point de vue technique, le film aborde une 3D flamboyante mais pas forcément à la pointe. En revanche, la 2D du Studio Chizu est toujours aussi réussie avec de somptueux décors et une animation fluide. Ce parti pris entre 2D et 3D permet de bien distinguer le monde réel et le monde virtuel avec son esthétique propre. Certaines scènes entre Belle et Dragon font également échos aux Enfants Loups.

BELLE-Belle-©2021 STUDIO CHIZU

Ayant vu le film en VO, je ne peux pas vous parler des chansons en VF adaptées par Cécile Corbel dont j'apprécie habituellement beaucoup l’univers et interprétées par Louane (que je ne connais pas vraiment). En VO, les thèmes musicaux sont variés et correspondent bien aux différentes intensités du film.

BELLE-Suzu-Belle-©2021 STUDIO CHIZU

Belle est un bon film qui joue sur un large panel d'émotions tout en proposant une histoire aboutie malgré quelques facilités scénaristiques et quelques mini longueurs. Le film aborde des sujets assez difficiles avec une certaine finesse et permet de retrouver des motifs présents dans les différentes œuvres d'Hosoda. J'apprécie généralement le travail d'Hosoda pour son univers coloré et décalé et sa propension à aborder de manière renouvelée la thématique familiale (mère célibataire, famille recomposée, poids des traditions familiales, arrivée d'un nouvel enfant, etc.). Ses films et ses récits originaux sont souvent plein de fraîcheur et de simplicité. Pour Belle, j'ai un peu le sentiment que le réalisateur a voulu beaucoup en dire et que, de ce fait, certains éléments ne sont qu'effleurés Quoi qu'il en soit, le film est assurément à voir tant il s'inscrit parfaitement dans la continuité de la filmographie de Mamoru Hosoda.

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