Joy Ride : racines tortueuses

A mi-chemin entre Very bad trip et Everything everywhere all at once, Joy Ride est un road trip initiatique et comique de Adele Lim (co-scénariste de Crazy Rich Asian) avec quatre actrices de talent ; Ashley Park, Sherry Cola, Stephanie Hsu et Sabrina Wu.

Audrey, jeune trentenaire brillante à qui est promis un bel avenir dans un cabinet d'avocat réputé doit, pour les besoins d'un contrat, retourner en Chine, son pays de naissance. Elle qui a grandi aux USA dans une famille blanche ne connaît rien de l’Empire du milieu, ni la langue, ni la culture ou les traditions. Elle entreprend ce voyage avec Lolo, son amie d'enfance, également chinoise mais élevée dans une famille chinoise et ayant de la famille en Chine et son excentrique cousine, fan de BTS, surnommée Deux de Tens’. Sur place, elle retrouve Kat, sa grande amie de l'université devenue une star de soap opéra historique. Bien entendu, rien ne va se passer comme prévu et les quatre jeunes femmes vont vivre des aventures palpitantes, déroutantes et comiques.

Faire ses preuves, être une vraie américaine

Perdues dans une petite ville de banlieue chic, Audrey et Lolo, les deux asiatiques du coin, sont devenues amies depuis l’enfance. Calme et timorée, Audrey a fait de brillantes études et est confrontée tous les jours à de riches hommes blancs aux idées bien arrêtées, dont son patron est la plus grande incarnation qui ne cesse de se justifier dès que cela concerne sa collaboratrice pour ne pas passer pour un raciste. De son côté, Lolo mène une vie de bohème en tant qu’artiste féministe dont les œuvres très sexuées “questionnent la fétichisation de la femme asiatique”. Ces deux personnalités se complètent généralement pour affronter les clichés de tous les jours. Là où Lolo se joue des clichés, Audrey a plus de mal à les combattre car elle en est elle-même pétrie. Audrey, se considère seulement comme américaine et n’a finalement que peu d’intérêt, au départ, pour sa mère biologique. Avec des parents aimants et une assimilation parfaite à la culture américaine, elle considère avant tout ce voyage comme un travail.

Kat, l’amie d’université, est aussi délurée qu'elle semble sage. Star irréprochable de la télévision chinoise et fiancée à un acteur à la plastique ravageuse, elle a eu une jeunesse délurée à l’université américaine avant de revenir en Chine où personne ne connaît son passé. Kat et Lolo sont deux faces d’une même pièce. Elles connaissent les deux sociétés, chinoises et américaines, mais le vivent de manière diamétralement opposée.

La Chine découverte

Par les yeux d’Audrey, le spectateur découvre la Chine dans sa démesure, mais aussi dans ses paysages à couper le souffle. Audrey est pleine de préjugés sur l'alimentation, la sécurité, les mœurs. Heureusement, ses amies sont là pour la rassurer et la guider (ainsi que les spectateurs non chinois). Kat est relativement pondérée dans ses actions mais a peur de salir son image quand Lolo et Deux de Tens’ profitent à fond.

Bien entendu, le choc culturel pour Audrey est un grand obstacle à la réalisation de son voyage, mais c’est également l’occasion de découvrir ses racines et d’en apprendre davantage sur les cultures asiatiques.

La Chine est  le lieu propice à un voyage initiatique, mais également à bon nombre de mésaventures pour les quatre jeunes femmes.

Une amitié invincible

Malgré les situations cocasses et rocambolesques, les jeunes femmes sont profondément unies. Audrey peut compter sur ses amies, même si certaines situations sont gênantes. De leur côté, Lolo et Kat doivent apprendre à se connaître et à s’apprécier malgré des visions très différentes et une rivalité d’amitié concernant Audrey. Deux de Tens’, un peu à la ramasse, est une jeune femme qui se cherche mais qui est profondément gentille et attachante, faisant de son mieux dans chaque situation.

Un film très pop acidulée à l’esthétique contemporaine. La facture est propre et classique avec de bons enchaînements de situations. Certains passages, en particulier sur les jeunes hommes athlétiques, retournent la situation sur le “mâle gaze” avec des plans resserrés sur ces appétissants jeunes hommes, et montre que la femme n’est pas qu’un être de pur esprit, mais qu’elle a aussi des pulsions parfois très fortes, qu'elle assume ou non.

Le scénario, principalement axé sur l’humour en tordant souvent le cou aux clichés ou au contraire en se les appropriant, propose également son lot de scènes plus sentimentales. A noter que, si le langage est régulièrement vulgaire, le film ne montre pas grand chose. Si ce voyage, les rencontres et la recherche de ses racines apportent beaucoup à l’héroïne et lui font prendre conscience de qui elle est vraiment et pas seulement l’image qu’elle se donne, ils montrent également que chacun est riche de ses différences culturelles mais que les clichés ont la vie dure. Que les biais d’éducation et de représentation sont profondément ancrés et que, finalement, l’important est de se trouver soi-même et de vivre en conformité avec ses aspirations pour trouver son chemin dans la société. Ce film, centré sur les femmes et leur amitié, est certes plein de bons sentiments, mais il est surtout très divertissant tout en mettant le doigt sur certains points de crispation dans les deux sociétés, mais surtout aux USA.

Je ne savais pas vraiment à quoi m’attendre au début de la projection, mais je dois dire que ce film m’a beaucoup plu. Il montre des jeunes femmes actives qui s’assument, des situations drôles souvent originales et un propos moins lisse qu’il y paraît. Les actrices incarnent bien leur rôle et présentent toutes des facettes intéressantes, voire attachantes.