Mystérieux Coffrets, Estampes au temps de la Dame à la licorne au Musée de Cluny, du 18 septembre 2019 au 6 janvier 2020

Pour la rentrée culturelle, le Musée de Cluny, toujours en travaux par ailleurs jusqu’en 2021, propose, jusqu’au 6 janvier 2020, une exposition aussi originale qu’intéressante sur les coffrets à estampes du XVe siècle, ainsi que la dite production d'estampes par et d’après Jean d’Ypres. 

Les mystérieux coffrets à estampes

Cette exposition, troisième volet du cycle consacré à l’époque de la Dame à la Licorne, regroupe pas moins de 20 coffrets de bois décorés d’une estampe sur le couvercle. Il reste aujourd’hui dans le monde une centaine de coffrets de ce type, c’est dire leur rareté. 

Ces coffrets, tous réalisés en bois de hêtre recouvert de placage de cuir fin, de petites garnitures en métal et d’une serrure robuste, ont une dimension proche du 2 sur 3 et s’ouvrent tous sur un petit côté. Une fois ouverts, ils révèlent un intérieur tapissé de tissu fin, et l’intérieur du couvercle est décoré d’une estampe. 
Il existe plusieurs typologies de coffres, en particulier ceux avec un couvercle plat et ceux avec un couvercle bombé. Des traces de montage, parfois énigmatiques, sont toujours visibles sur les coffrets plus dégradés. 
Ils étaient produits en quantité non négligeable dans des ateliers. En fin de production, une estampe, le plus souvent religieuse, mais parfois courtoise, était collée dans le couvercle. Les estampes, gravées sur du bois de poirier et colorisées au pochoir, étaient produites par d’autres ateliers.

L’usage de ces coffrets a longtemps fait débat, et aujourd’hui encore l’on parle plus d’hypothèses que de certitudes. La présence d’estampes en grande partie religieuses font penser à des objets de dévotion personnelle. Par ailleurs, la présence de passants métalliques extérieurs a longtemps fait penser à des coffrets de messagers. Cependant, la solidité des coffrets ne leur permettait vraisemblablement pas de parcourir de grandes distances à cheval. En outre, l’on connaît les boîtiers de messagers, et il étaient très différents. La présence sur certains coffrets d’un logement secret a posé son lot de questionnements. D’autant que ce compartiment secret n’étaient plus accessible une fois le coffret fermé. Aujourd’hui, les chercheurs pensent que des reliques secondaires pouvaient y être placées. Mais tous les coffrets aujourd’hui connus ont été forcés dans les périodes plus anciennes. 

De par leurs formes, et surtout l’étude de peintures du XVe siècle, font penser aux spécialistes qu’il pouvait s’agir de coffrets pour ranger des livres et documents du même acabit pour les transporter chez un client ou d’une pièce à l’autre d’un grand monastère. C’est en effet la période où le développement de l’imprimerie permet une plus large diffusion des livres auprès d’une frange plus large de la population, principalement urbaine. 

Jean d’Ypres, un artiste talentueux, à la production appréciée

L’étude stylistique des estampes est à rapprocher des estampes et gravures produites par Jean d’Ypres et son atelier pour les imprimeurs. En effet, la production de livres s'accélère et les imprimeurs demandent des illustrations reproductibles, mais de qualité. Jean d’Ypres propose des compositions chargées en personnages et en symboliques, très prisées par ses contemporains. Sa production, largement diffusée via les estampes, inspire nombre d’autres artistes, que ce soit des vitraux, des ivoires et des graveurs postérieurs. Ses compositions sont même reprises des décennies après sa mort.   

La scénographie de l’expositions est claire et dépouillée. Les 70 objets présentés sont regroupés par thématiques. Certaines vitrines s’attachent à montrer des coffrets éclatés pour mieux en expliquer la structure, d’autres montrent des estampes du même sujet comme la passion du Christ. L’on nous propose également une très jolie sélection d’œuvres de Jean d’Ypres et de ses suiveurs montrant la diffusion des modèles à l’ensemble de la création artistique : vitrail, ivoires, tapisserie, etc. 

Je ne connaissais pas de coffrets de ce type et je dois dire que ma curiosité a été piquée par les éléments présentés. J’ai beaucoup apprécié les comparaisons stylistiques autour de Jean d’Ypres et la diffusion de ses motifs. L'exposition est finalement assez courte mais très instructive et montre des oeuvres rarement exposées en provenance des plus grandes institutions culturelles. 

Visuels : (C) Sandra B.